Tout le monde a déjà entendu le terme de « Monument historique » mais, au final, peu de personnes ont une vision claire de ce que cela signifie. Les choses sont bien différentes selon qu’il s’agisse d’un monument inscrit ou classé, et on peine parfois à percevoir les contours d’un dispositif primordial de la protection du patrimoine français.
Alors qu’est-ce qu’un Monument historique ? Comment se passe un classement ou une inscription ? Et quels en sont les avantages et les contraintes ?
Monument historique : inscrit ou classé ?
« Un monument historique est un immeuble ou un objet mobilier recevant un statut juridique particulier destiné à le protéger, du fait de son intérêt historique, artistique, architectural mais aussi technique ou scientifique [1]. »
Être reconnu Monument historique (M majuscule, h minuscule : c’est important ☝️) c’est avant tout une protection pour le patrimoine bâti et mobilier.
Il existe deux niveaux de cette protection :
- L’INSCRIPTION
- Le CLASSEMENT
Un bâtiment ou un objet est donc inscrit ou classé « au titre des Monuments historiques », ce qui lui confère un statut juridique particulier. 🛡️
🧐 Mais au fait, pourquoi parle-t-on de « classement » ? Parce qu’en 1837, il est demandé pour la 1ère fois aux préfets de départements de « classer par ordre de priorité » les monuments nécessitant l’aide de l’Etat. Et le terme à traverser l’histoire du patrimoine.
Pour « inscription » cela vient du fait qu’on a commencé par « inscrire les monuments à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques » en 1927.
En clair, le classement ou l’inscription au titre des Monuments historiques relève d’une procédure sélective qui vise à recenser, connaître et protéger le patrimoine, qu’il soit domestique, religieux, militaire ou autre. Le bâtiment ou l’objet mobilier devenu Monument historique accède à un statut qui reconnait et protège sa valeur historique, artistique, architecturale.
Le parcours du monument
Comment protège-t-on au titre des Monuments historiques ? Accrochez-vous, on fait le parcours d’un dossier de demande de protection. 🎢
Nota préalable : toutes les protections passent par la CRMH (« alleez, elle commence avec son jargon » : pour rappel, les abréviations sont expliquées ici 😊), c’est-à-dire la Commission Régionale des Monuments Historiques.
1°
Pour commencer, qui peut demander cette protection MH ?
- La CRMH elle-même
- Le propriétaire
- L’affectataire des lieux (le curé de la paroisse par exemple)
- Une collectivité (une mairie par exemple)
- Une association
- Le préfet
- Un professionnel : universitaire, historien, architecte…
Le porteur de cette demande sollicite alors une protection au titre des Monuments historiques : ce sera la CRMH qui décidera si le bien doit être inscrit ou classé.
2°
Suite à cette demande, des représentants de la Commission Régionale se déplacent pour voir le site ou l’objet à protéger. Ils montent ensuite un premier dossier à ce propos afin de le présenter à la Commission Régionale du Patrimoine et de l’Architecture (CRPA). 🚗
3°
Si cette dernière accepte le dossier sommaire, elle demande un second dossier bien plus complet, comprenant études historique et architecturale. Son but est de démontrer l’intérêt historique et artistique, de façon péremptoire, afin de justifier la protection au titre des Monuments historiques et son degré.🚋
4°
Ce second dossier est renvoyé à la CRPA qui propose alors l’inscription ou le classement (car cette commission n’a qu’un rôle consultatif et non décisionnel). Son avis est donc transmis au préfet de région. 🛩️
5°
Pour le préfet, il y a 2 cas de figure :
- S’il s’agit d’une inscription MH, le préfet prononce l’inscription au titre de Monuments historiques à la procédure d’inscription est terminée. 🏁
- S’il s’agit d’un classement MH, le préfet renvoie le dossier au Ministère de la Culture.🚀
6° (classement uniquement)
Le dossier est présenté à la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture (CNPA) par le Conservateur Régional des Monuments Historiques (CRMH).
7° (classement uniquement)
Si l’avis du CNPA est favorable, alors le classement est prononcé par la signature du Ministre de la Culture. La procédure de classement est terminée ! 🏁
Et si ce n’est pas le cas, il est possible de se rabattre sur une inscription.
VOILA 🤯. Ça va, vous m’avez suivie ?
⏸️
Et là, vous direz « Okay mais quid de l’avis du propriétaire si la demande est faite par une tierce personne ? »
Et bien, dans le cas d’un classement, on demande l’accord du propriétaire. En sachant que, selon l’intérêt patrimonial du bien, un refus du propriétaire peut donner suite à un classement d’office, c’est-à-dire signé du Premier Ministre en Conseil d’Etat (rien que ça !). Après, cela relève de la négociation entre les instances et le propriétaire.
Pour une inscription, la décision se fait sans demander l’accord du propriétaire.
⛔ Enfin, il existe également une procédure bien plus expéditive concernant le patrimoine bâti menacé de démolition : il s’agit d’une instance de classement prise directement par le Ministre de la Culture et qui a un effet de gel direct des travaux de démolition pendant un an, afin que la CRMH lance la procédure de protection au titre des Monuments historiques.
Ces cas plus compliqués relèvent généralement de l’opposition entre deux logiques qui peinent parfois à se comprendre, celle des « MH » et celle des propriétaires. En effet, la protection a des conséquences directes sur la gestion de l’édifice ou de l’objet patrimonial.

Peser le pour et le contre ?
J’entends régulièrement des propos tels que « non ce n’est pas protégé Monuments historiques, et c’est tant mieux ! ». Il est vrai que la majorité des gens voit cette mesure comme un monceau de contraintes qui réduit les libertés du propriétaire. Mais est-ce vraiment le cas ? 🤔
Les contraintes
Certes, la protection MH apporte certaines obligations, mais elles visent toutes à éviter la dégradation du bâtiment : démolitions, modifications impactantes, ainsi que le manque d’entretien et de réparation.
Ainsi, un propriétaire de monument a obligation d’entretenir son patrimoine :
- révisions et réparations régulières de la couverture pour éviter les infiltrations,
- entretien des menuiseries pour la mise hors d’air du bâtiment,
- dépoussiérage adapté d’un meuble en bois
- refixage de la polychromie écaillée d’une statue
- etc.
Une inscription au titre des Monuments historiques implique une protection plus « légère », notamment en terme de procédures :
« Tous les travaux portant sur un immeuble ou une partie d’immeuble inscrit au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires [2] » qui sont, quant à eux, soumis à une Déclaration Préalable.
En revanche, toute intervention portée sur un monument classé doit faire l’objet d’une Autorisation de Travaux. Ces procédures permettent de vérifier la conformité et la qualité des travaux à effectuer (via la présentation du programme de travaux notamment).
✋ Et si le propriétaire ne fait pas le nécessaire ? L’Etat peut le mettre en demeure, voire faire exécuter les travaux à sa place et demander sa participation financière partielle ou entière.
Il faut préciser qu’en classant un château, par exemple, son propriétaire voit son patrimoine reconnu comme étant un peu celui de tous. Il devient alors le gestionnaire et le gardien de l’intégrité du patrimoine commun. C’est une charge, mais également une valeur ajoutée.
Les avantages
Stop à la théorie du complot ! La protection MH n’est pas là pour contraindre bêtement, elle apporte aussi (et surtout) son lot d’avantages, notamment en « espèces sonnantes et trébuchantes ». 💰
Coup de pouce et non des moindres, les subventions offrent au propriétaire la possibilité d’effectuer des travaux dans les règles de l’art en limitant le surcoût. Le montant n’en est pas fixe, il dépend de plusieurs facteurs tels que :
- Le niveau de protection (les travaux sur un monument classé sont davantage subventionnés que sur un monument inscrit),
- l’urgence des travaux à réaliser,
- l’importance de l’intervention au regard de la recherche et de l’état des connaissances.
Cette aide est accordée par l’Etat, mais également les Conseils Régionaux et Départementaux, et parfois les agglomérations, les communautés de communes ou les communes elles-mêmes.
Nota : les travaux, mais également les études préalables sont éligibles à subventions.
🤝Autre ressource non négligeable : une protection MH permet de bénéficier du mécénat des fondations et des entreprises privées.
Toujours concernant le nerf de la guerre, les protections MH ouvrent à des possibilités de déductions fiscales. Ainsi le montant des travaux est entièrement déductible des impôts.
🌐 Par ailleurs, être reconnu au titre des Monuments historiques c’est bénéficier d’un réseau et d’une communication aux répercutions touristiques importantes : localisation dans les bases de données et carte, utilisation d’un logo et d’une signalétique identifiables.
Enfin, les instances décisionnelles peuvent apporter leur Conseil Scientifique et Technique au propriétaire : il s’agit d’un accompagnement pour suivre les règles imposées au propriétaire en tant que maître d’ouvrage.
Tous ces outils (ici largement résumés) sont là pour aider car, nous l’avons vu, il s’agit avant tout de protéger un bâtiment ou un objet ayant un intérêt patrimonial. Il est donc dans l’intérêt de tous d’éviter de mal faire (destructions, travaux non éclairés, etc.) et de permettre au propriétaire (et au public) de conserver ce qui fait l’intérêt de son bien.
Est-il possible de retirer une protection MH ? Oui, c’est possible, mais vraiment pas simple et franchement très rare. Il faut alors que le propriétaire fasse la demande :
- De radiation d’inscription auprès de la DRAC
- De déclassement auprès du Ministre de la Culture et du Conseil National des Monuments Historiques.
Inutile de préciser que la demande doit être solidement étayée…
En soi, les contraintes qu’implique la protection au titre des Monuments historiques, notamment en cas de monument classé, n’ont pour but que de permettre au propriétaire de conserver l’état et donc la valeur de son patrimoine. Dès lors, doit-on réellement les percevoir comme des contraintes ?
🤔 En extrapolant un peu, on peut considérer que le classement ou l’inscription mettent le propriétaire du monument devant ses responsabilités, mais qu’ils impliquent également l’Etat. La « charge » incombe aux deux parties, pour la conservation d’un patrimoine qui a une valeur publique.
C’est pourquoi je bannirai volontiers le terme de « contrainte » au profit de celui d’ « engagement ». 🙂

[1] https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Monuments-historiques/Presentation/Les-monuments-historiques
[2] Code de l’Urbanisme, art. R. 421-16
➡️ Si les méandres légaux vous intéressent, je vous renvoie vers le Code de l’Urbanisme et le Code du Patrimoine vous où vous trouverez tous les détails. Cet article a évidemment été rédigé avec les textes sur le coude.